Les européennes en Italie

Hyper-personnalisation

La France n’est pas le seul pays de l’UE a souffrir de l’hyper-personnalisation de la vie politique. Les personnes priment sur les idées et les programmes en Italie également. Ainsi, aux élections européennes de juin prochain, comme à chaque fois en Italie, les chefs de partis se présentent quasiment tous comme têtes de liste sans intention de siéger au parlement de Strasbourg. Sur ce point, et c’est assez rare pour le signaler, la France fait mieux que son voisin transalpin, car même si Attal, Le Pen et Mélenchon ne se sont pas privés d’intervenir franchement dans la campagne, ces derniers ont eu la décence de ne pas s’arroger les premières positions de leurs listes respectives. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon n’est qu’à la 80ème position de la liste conduite par Manon Aubry.

Summum de l’hyper-personnalisation du scrutin, la post-fasciste Meloni se présentera comme « Giorgia Meloni detta Giorgia » sur les bulletins de vote, surjouant la proximité avec le peuple en insistant sur son prénom. Elly Schlein, leader du principal parti d’opposition à Meloni (Parti démocrate, centre gauche), sera tête de liste dans plusieurs circonscriptions. Idem pour le chef du parti de feu Berlusconi. Exceptions notables, Salvini (Ligue,extrême droite) et Conte (5 étoiles, populiste) ne seront pas têtes de liste. Les leaders d’Europa Verde et de Sinistra Italiana – Angelo Bonelli et Nicola Fratoianni – ont choisi de ne pas se présenter aux élections européennes non plus.

Bizarrerie du scrutin italien, malgré la présence de grandes circonscriptions électorales, il est possible de se présenter comme tête de liste simultanément dans toutes les régions, possibilité dont ne s’est pas privée Meloni et la Ligue :

https://www.eunews.it/2024/05/02/candidati-italiani-elezioni-europee-2024/

Libéraux divisés

Autre bizarrerie, les « macronistes italiens » (amenés à siéger dans le groupe Renew) partent divisés cette année avec deux listes :

  • d’un côté, « États-Unis d’Europe » avec les partis Italia Viva (Renzi) et +Europa (Bonino) et une foultitude de petits partis centristes;
  • de l’autre « Nous sommes européens » avec le parti Action de Calenda, ancien ministre de Renzi, pro Draghi, connu pour avoir brisé la coalition de centre gauche lors des dernières élections générales.

Comme on le voit sur les logos, les deux listes se revendiquent de Renew Europe, formation fondée avec l’arrivée des macronistes au parlement européen. L’éclatement des libéraux italiens est flagrant, et le nombre de petits partis figurant sur chaque liste laisse songeur …

Côté programme, chez Action, du macronisme pur jus, avec le soutien à l’Ukraine, l’Europe de la défense, les traités de libre échange, la promotion du nucléaire comme énergie verte …

Les deux listes étaient données chacune autour de 4% dans un sondage du 24 mai.

Comme en France, les libéraux italiens sont d’anciens sociaux-démocrates convertis aux joies de la mondialisation financière. Renzi, pionnier du macronisme avant macron (il fut président du Conseil dès 2014) semble avoir bien mal tourné selon sa page Wikipédia :

Depuis 2018, les conférences que Matteo Renzi donne, notamment dans les monarchies du Golfe, occupent une grande place dans son emploi du temps. Il déclare pour cette activité plus de 800 000 euros de revenu en 2018 et plus d’un million en 2019. Il rejoint en 2020 le conseil d’administration du Future Investment Initiative Institute, un think tank financé par l’Arabie saoudite, pour une rémunération annuelle de 80 000 euros.

Avec l’exemple de Renzi, on peut spéculer sur la retraite de notre cher Président, les italiens ayant toujours un temps d’avance sur nous en politique (Berlusconi avant Sarkozy, Renzi avant Macron, et peut-être Meloni avant Le Pen).

Alliance Verte-Rouge

Sorte de mini-NUPES italienne, l’alliance de la gauche radicale et des verts, n’est créditée que d’un peu plus de 4% dans les sondages en mai 2024. Le programme de la liste insiste beaucoup sur « l’Europe de la paix », dénonce l’agression russe de l’Ukraine mais propose d’arrêter les envois d’armes à l’Ukraine. La liste qualifie également la situation à Gaza de « génocide » très clairement. Une position internationale très proche, donc, de la France Insoumise.

Si les enjeux écologiques sont bien mentionnés dans le programme de l’alliance, avec notamment un soutien au Green Deal, ce sont bien les enjeux internationaux qui semble prioritaires pour cette formation.

Un extrait traduit du manifeste de la liste est proposé ci-après :

L’Europe est à un carrefour crucial. D’un côté, il y a le risque de suivre une voie conduisant à des conflits et à l’instabilité, illustré par l’invasion russe de l’Ukraine et la crise dans la bande de Gaza. Cette direction implique une augmentation des dépenses militaires, l’adoption de politiques autoritaires et la réduction du bien-être, risquant de multiplier les conflits et d’alimenter l’escalade militaire.

D’un autre côté, l’Europe a l’opportunité de retrouver son rôle historique de constructeur de paix en promouvant la diplomatie, la médiation et le désarmement. Cela implique d’embrasser un monde multipolaire, de favoriser la coopération et la solidarité entre différents systèmes plutôt que de maintenir des alliances militaires opposées.

La crise climatique représente un autre défi interconnecté pour la paix. Le changement climatique menace la survie de l’humanité, et seules des politiques ambitieuses peuvent contenir l’augmentation des températures en dessous de 1,5°C et éviter une catastrophe environnementale. Le Green Deal européen est un outil fondamental pour relever cette urgence, mais il est attaqué par des forces politiques conservatrices. Défendre et renforcer le Green Deal est essentiel pour atteindre la neutralité climatique et construire une Europe alimentée à 100% par des énergies renouvelables d’ici 2040.

La transition écologique offre une opportunité unique de repenser notre modèle socio-économique en redistribuant le pouvoir et les ressources. Les communautés énergétiques sont un exemple de la possibilité de reconstruire le système de production sur la base de la durabilité environnementale et sociale. Il est de notre devoir de défendre les droits individuels et sociaux, souvent négligés, et de saisir cette opportunité pour construire une Europe féministe, accueillante et inclusive.

Les souverainistes cherchent à démanteler l’État de droit, comme on l’a vu en Pologne et en Hongrie. En Italie, des tentatives similaires sont observées et doivent être fermement combattues. Il est essentiel de réaffirmer les droits humains fondamentaux sur tout le territoire européen.

Sondages

Au 24 mai, à quelques jours des élections, c’est le parti post-fasciste de Meloni qui fait la course en tête avec 27% des intentions de vote. Le Parti démocrate, social-démocrate, dépasse les 20%. Le « 5 étoiles » résiste bien, malgré sa baisse de régime depuis quelques années et sa responsabilité écrasante dans la démission de Draghi et l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Malheureusement, Meloni ne semble pas connaitre l’usure du pouvoir, et pire, pourrait renforcer son score par rapport aux élections nationales.

https://pagellapolitica.it/articoli/ultimi-sondaggi-partiti-elezioni-europee-2024

A l’image de la France, l’Italie enverra probablement un grand nombre d’eurodéputés d’extrême droite à Strasbourg, autour de 30. Le groupe vert européen quant à lui n’aura probablement qu’une très modeste contribution italienne :

Seat projection of the European Parliament, April 2024, https://europeelects.eu/2024/05/03/april-2024/

Sources

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